L’Atelier Saint Luc

« [L’école d’art de Calais] est bien éloignée des recherches artistiques de deux des plus illustres élèves de l’école : Henry Lhotellier et Alfred-Georges Regner. Ce dernier […] s’inscrit aux cours de 1920 à 1927. Mais rapidement, l’enseignement de l’école lui paraît statique, routinier et sans issue pour sa carrière. Il quitte l’école en 1925 et créé en dissidence l’atelier Saint-Luc qu’il installe dans une vaste salle désaffectée d’une usine de dentelles. Il est rejoint par plusieurs élèves de l’école, dont Henry Lhotellier. » Buchard Laurent, Noël Benoît, l’École d’art de Calais, Calais, Communauté d’Agglomération du Calaisis, 1997.

Cet atelier fut en activité entre 1925 et 1929. Un article paru à l’époque décrit ce que furent les fondements de cet atelier. Le groupe se veut avant tout égalitaire et ouvert à tous, il est fait d’échanges de connaissances artistiques et de recherches plastiques :

« Dans cet atelier, Regner et ses amis discutent de l’actualité artistique, se livrant, à l’instar des surréalistes, à l’écriture et à la peinture automatique pour en dégager des intérêts purement plastiques. » Le Nouëne, Tonneau-Ryckelynck, Henry Lhotellier, Rétrospective et catalogue raisonné de l’œuvre gravé, Musée des Beaux-arts, Calais, 1992, p. 19.

Lhotellier, dans un de ses articles décrit les attirances de Regner pour la décoration murale, qu’il intègre à sa peinture de l’époque, que l’on retrouvera par la suite dans sa première façon d’adapter les dessins automatiques, particulièrement dans la composition de ses fonds. C’est dans ce creuset de l’atelier Saint-Luc que Regner commença ses études très poussées sur les dessins automatiques produits par les surréalistes, mais aussi sur la parapsychologie et l’ésotérisme. Ce qui permet d’affirmer que le groupe était très informé des expériences pratiquées par les surréalistes à cette même époque.

Un premier essai de peinture automatique date de cette même période. Lors des séances à l’atelier, Henry Lhotellier raconte que son ami avait tenté une transposition de l’écriture automatique en peinture :

« Bien plus attiré par la psychanalyse et par l’étude de l’inconscient, tu nous fis découvrir la possibilité d’une « peinture automatique », à l’instar de l’écriture automatique des poètes surréalistes. Nous fîmes ainsi que toi-même, de nombreux essais dans cet esprit. De cette époque, il me reste ta petite peinture Combat des Walkyriesque j’ai vus naître, à partir de tâches et de coups de pinceau posés sans intention préconçue ; mais comme pour le test de Rorschach, ils servaient de support et de déclencheur à l’imagination. C’est sans doute là ta première œuvre automatique. »Lhotellier, Bononia, 1990.

Cette toile date de 1925, dans des couleurs relativement sombres, correspondant à ce que faisait l’artiste à cette période, peinture qui se limitait à des portraits et des natures mortes assez « statiques ». À la différence du Combat des Walkyries, très rythmée, composée d’une sorte de ronde de femmes guerrières armées, scène observée par un homme représenté par une tête en bas à droite de la toile. Les coups de pinceau décrits par Lhotellier sont bien perceptibles, cependant dans un second temps le peintre a jugé bon de mettre en évidence les formes, en les soulignant d’un trait noir.

Les raisons de fermeture en 1929 de l’atelier demeurent obscures, Regner quitte Calais en 1927 pour rejoindre Tunis afin d’y effectuer son service militaire jusqu’en 1929. Ce pays aura une grande influence sur sa peinture, notamment il en gardera le goût des couleurs vives et des objets orientaux. À son retour, Regner s’installe à Paris, s’inscrit aux Beaux-arts et à l’École du Louvre, puis à l’École Nationale des Arts Décoratifs où il étudiera durant trois années.

Les commentaires sont fermés.